Contexte et enjeux
Autrefois considéré comme un cancer rare, le mésothéliome pleural malin (MPM), ou cancer primitif de la plèvre, représente aujourd’hui un enjeu important. Son pronostic est sombre (médiane de survie <1 an dans la littérature) et son incidence croissante depuis 1945 (due au large recours à l’amiante, son facteur étiologique principal, en France dans les années 1970-1980 jusque son interdiction en 1997). De nos jours, en France, l’incidence annuelle du MPM est d’environ 900 cas. Compte tenu du délai de latence habituellement long entre l’exposition de l’amiante et le diagnostic du mésothéliome (en moyenne de 30 à 40 ans), un pic d’incidence du MPM est attendu au cours de la prochaine décennie. Il serait déjà atteint dans certains pays (USA, Europe du Nord…) qui ont interdit l’utilisation de l’amiante précocement par rapport à la France. Cependant, de nombreux autres pays émergents (Chine, Brésil, Russie, Inde…) ou en voie de développement, extraient encore de l’amiante et/ou y ont recours de manière importante. Cela laisse craindre une probable « endémie » mondiale du mésothéliome pleural malin.
Le traitement du MPM est à ce jour complexe et décevant avec un pronostic globalement défavorable (survie médiane <1 an), justifiant une prise en charge spécialisée dans des centres dédiés. En janvier 2012, s’est constitué un réseau clinique français de centres experts (inter) régionaux pour la prise en charge du MPM (appelé « MESOCLIN ») financé par l’Institut National contre le Cancer (INCa). Ce réseau est coordonné par le centre expert national basé au CHRU de Lille, en étroite collaboration avec le réseau MESOPATH (réseau expert national anatomo-pathologique des mésothéliomes).
L’intérêt médical pour ce cancer a évolué, passant du fatalisme à un réel investissement dans la prise en charge de cette maladie : avec la notion de chirurgie acceptable, avec de nouvelles drogues cytotoxiques et d’associations efficaces, avec l’émergence des biothérapies, avec de nouvelles modalités de radiothérapie et surtout du développement de stratégies multidisciplinaires concertées. Elles permettent actuellement de construire des essais prospectifs, comparatifs, randomisés qui faisaient largement défaut dans ce domaine. Le recrutement régional des patients porteurs d’un MPM à Lille est important. Il est lié aux nombreuses expositions professionnelles, voire environnementales ou domestiques, dans la région Hauts de France : chantiers navals, métallurgie, bâtiment…
La thérapie photodynamique, ou PDT, est un traitement relativement nouveau dans le MPM. Elle se base sur le rationnel que les cellules tumorales, si elles sont d’abord traitées par un agent photosensibilisant, mourront quand elles seront exposées à une lumière émise par une source laser à une longueur d’onde spécifique. Après une résection tumorale la plus complète possible (pleurectomie et décortication, P/D), le chirurgien illumine au moyen d’un laser la cavité pleurale produisant une lumière spécifiquement absorbée par la substance photosensibilisante. Ainsi la PDT a été testée dans des essais cliniques de phase I et II pour les patients MPM en combinaison avec la PEP (pneumonectomie extra-pleurale) ou la P/D puis une chimiothérapie intraveineuse. Les premiers travaux menés par l’équipe du Professeur Friedberg (USA) ont montré des résultats prometteurs avec une survie globale médiane de 31,7 mois ([IC]95% 9-54 mois).
Objectifs
L’unité INSERM U1189, en collaboration avec le service de Pneumologie et Oncologie Thoracique et le service de Chirurgie Thoracique du CHRU de Lille, ont débuté un projet ambitieux visant à développer la PDT intrapleurale pour le MPM. Les travaux se déroulent sous deux versants : clinique et recherche.
Sur le plan clinique, l’objectif était de mettre en place la PDT intrapleurale en clinique associée à la P/D et une chimiothérapie post-opératoire, chez les patients atteints de MPM. Des contacts très avancés ont déjà eu lieu entre les deux équipes en France et aux USA, qui se connaissent de longue date. L’idée était de reproduire à l’identique les procédures chirurgicales et de PDT qui sont appliquées par l’équipe de Philadelphie, avec leur étroite collaboration.
Sur le plan recherche, l’objectif était d’optimiser l’illumination par le biais du dispositif lumineux et le développement d’une méthode alternative de dosimétrie pré et per opératoire de la PDT intrapleurale. La clé de voûte de la réussite d’une procédure de PDT réside entre autres sur une illumination totale et homogène de la cavité pleurale. La technique actuelle consiste à remplir la cavité d’un liquide diffusant puis à procéder à l’illumination en « remuant » la source de lumière dans la cavité. Actuellement, la dosimétrie per opératoire est réalisée par 7 capteurs isotropes positionnés dans la cavité thoracique, mais ne renseigne pas sur la lumière délivrée entre ces points. Le programme de recherche en développement dans l’équipe INSERM U1189 se base sur les compétences, employées déjà dans pour d’autres pathologies: modélisation de l’action du laser et imagerie médicale. Le but étant d’optimiser la dosimétrie de lumière et d’assurer une application complète et homogène sur les cibles.
Où en sommes-nous ?
Grâce au soutien du Conseil Régional Hauts de France et des associations de patients, un essai local de phase II de faisabilité est actuellement en cours au CHRU de Lille. Dans le cadre d’un Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) National Cancer retenu par l’INCa en 2013, une autre étude de phase II aura lieu ensuite. Cette fois, il s’agira d’un essai multicentrique national randomisé pour valider l’intérêt de la PDT dans le MPM.
Du côté recherche, une modèle d’illumination théorique d’un dispositif lumineux a été défini et combiné à un système de repérage spatial électromagnétique, avec visualisation sur imagerie en 3D (scanner thoracique) de la dose de lumière déposée en temps réel, pour une illumination la plus complète et homogène.
Cette méthode de dosimétrie a été validée sur un fantôme de cavité thoracique intra opératoire à taille humaine, modélisé au sein du laboratoire et imprimé en 3D.
Une des autres pistes de recherche sur laquelle travaillent le laboratoire est l’utilisation de textiles lumineux. Il s’agit de dispositifs flexibles assurant l’illumination homogène d’une surface, qui pourrait donc s’appliquer à la géométrie complexe de la cavité pleurale. De récents travaux de l’Unité 1189 menés sur un modèle in-vivo de carcinose péritonéale ont montré que des illuminateurs souples permettaient d’assurer une illumination homogène.